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DE JEAN FROISSART.

Soit en public ou en requoi,
Je tesmongne assés qu’il est vrai ;
Car ensi que jà me navrai
Par penser souvent à ma dame,
M’en est-il avenu, par m’ame !
Et par pensées qui ou chief
Me sont entrées de rechief
Et des queles biens me ramembre,
La trentieme nuit de novembre
L’an mil trois cens treiz et soissante,
Que nul gai oiseillon ne chante
Pour la cause dou temps divers,
Car lors est plainnement yvers,
Si sont les nuis longes et grans.
S’est nature encline et engrans,
Ce poet on moult bien supposer,
De dormir et de reposer.
Et je, qui volentiers m’aheure,
Me couchai ce soir de haulte heure.
Si m’endormi en un tel songe
Où nulle riens n’a de menchonge.
Et estoit la vision moie
Qu’en la chambre où je me dormoie
Véoie une clarté très grans.
Et je, qui moult estoie engrans
De savoir que ce pooit estre,
Levai le chief. Si vi sus destre
Une dame courtoise et gente.
Ce ne fu Flore ne Argente ;
Ains estoit ma dame Venus.