Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/111

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jour à ne jamais oublier. De là cette autre manie des dates, des chiffres, des symboles, des hiéroglyphes, dont vous avez la preuve ici, comme partout où j’ai cru nécessaire d’imprimer la trace d’un moment de plénitude et d’exaltation. Le reste de ma vie, ce qui se dissipait en tiédeurs, en sécheresses, je le comparais à ces bas-fonds taris qu’on découvre dans la mer à chaque marée basse et qui sont comme la mort du mouvement.

Une pareille alternative ressemblait assez aux feux à éclipse des fanaux tournants, et j’attendais incessamment je ne sais quel réveil en moi, comme j’aurais attendu le retour du signal.

Ce que je vous raconte en quelques mots n’est, bien entendu, que le très-court abrégé de longues, obscures et multiples souffrances. Le jour où je trouvai dans des livres, que je ne connaissais pas alors, le poëme ou l’explication dramatique de ces phénomènes très-spontanés, je n’eus qu’un regret, ce fut de parodier peut-être en les rapetissant ce que de grands esprits avaient éprouvé avant moi. Leur exemple ne m’apprit rien, leur conclusion, quand ils concluent, ne me corrigea pas non plus. Le mal était fait, si l’on peut appeler un mal le don cruel d’assister à sa vie comme à