Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/121

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le séduit, d’une haleine, sans me relire, presque sans hésiter, j’écrivis toute une série de choses inattendues, qui parurent me tomber du ciel. Ce fut comme un trop-plein qui sortit de mon cœur, et dont il était soulagé au fur et à mesure qu’il se désemplissait. Ce travail fiévreux m’entraîna bien avant dans la nuit. Puis il me sembla que ma tâche était faite ; toutes les fibres irritées se calmèrent, et vers le matin, à l’heure où s’éveillent les premiers oiseaux, je m’endormis dans une lassitude délicieuse.

Le lendemain, Olivier me parla de ma rencontre avec ses cousines, de mon embarras, de ma fuite.

« Tu fais le mystérieux, me dit-il, tu as tort ; si j’avais un secret, je le partagerais avec toi. »

J’hésitai d’abord à lui dire la vérité. C’était ce qu’il y avait de plus simple, et cela certainement aurait mieux valu ; mais il y avait dans un pareil aveu mille embarras réels ou imaginaires, qui me le représentaient comme impossible. En quels termes d’ailleurs lui faire comprendre ce que j’éprouvais depuis longtemps, sans que personne en eût le soupçon ? Comment lui parler de sang-froid de ces pudeurs extrêmes que le grand jour offusquait, qui ne supportaient aucun examen, pas plus le mien que celui des autres, et qui demandaient,