Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/130

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et après quelques hésitations accordées à des scrupules aussi nouveaux que tous les autres sentiments qui m’agitaient, je cédai à une tentation véritable, et j’entrai.

Il y faisait presque nuit. Le bois sombre de quelques meubles anciens se distinguait à peine, l’or des marqueteries luisait faiblement. Des étoffes de couleur sobre, des mousselines flottantes, tout un ensemble de choses pâles et douces y répandait une sorte de léger crépuscule et de blancheur de l’effet le plus tranquille et le plus recueilli. L’air tiède y venait du dehors avec les exhalaisons du jardin en fleur ; mais surtout une odeur subtile, plus émouvante à respirer que toutes les autres, l’habitait comme un souvenir opiniâtre de Madeleine. J’allai jusqu’à la fenêtre : c’était là que Madeleine avait l’habitude de se tenir, et je m’assis dans un petit fauteuil à dossier bas qui lui servait de siége. J’y demeurai quelques minutes en proie à une anxiété des plus vives, retenu malgré moi par le désir de savourer des impressions dont la nouveauté me paraissait exquise. Je ne regardais rien ; pour rien au monde, je n’aurais osé porter la main sur le moindre des objets qui m’entouraient. Immobile, attentif seulement à me pénétrer de cette indiscrète émotion,