Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/144

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tout ce que je vous dis là : je sais seulement que je devinais d’elle à moi des supériorités de plus en plus manifestes, et jamais encore je n’avais mesuré avec tant de certitude et d’émotion la distance énorme qui séparait une fille de dix-huit ans à peu près d’un écolier de dix-sept ans.

Un autre indice plus positif encore aurait dû dès ce soir-là m’ouvrir les yeux.

Il y avait parmi les bagages un admirable bouquet de rhododendrons, arrachés de terre avec leurs racines, et qu’une main prévoyante avait entourés de fougères et de plantes alpestres encore humides des eaux de la montagne. Ce bouquet, apporté de si loin, et dont M. d’Orsel paraissait prendre un soin particulier, leur avait été envoyé, disait Madeleine, en souvenir d’une excursion faite au pic de *** par un compagnon de voyage qu’on désignait vaguement comme un homme aimable, poli, prévenant, rempli d’égards pour M. d’Orsel. Au moment où Julie défaisait les enveloppes, une carte s’en détacha. Olivier la vit tomber, s’en empara prestement, la retourna une ou deux fois, afin d’en examiner en quelque sorte la physionomie, puis il y lut un nom : Comte Alfred de Nièvres.

Personne ne releva ce nom, qui résonna sèchement au milieu d’un silence absolu et résolu. Ma-