Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/161

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même encouragé le naïf élan d’une affection qui se suffisait presque à elle-même, se donnait pour se répandre, et cherchait un culte uniquement afin d’adorer. Quels étaient les sentiments de Madeleine ? Je n’y songeais pas non plus. À tort ou à raison, je lui prêtais des indifférences et des impassibilités d’idole ; je la supposais étrangère à tous les attachements qu’elle inspirait : je la plaçais ainsi dans des isolements chimériques, et cela suffisait au secret instinct qui, malgré tout, se loge au fond des cœurs les moins occupés d’eux-mêmes, au besoin d’imaginer que Madeleine était insensible et n’aimait personne.

Madeleine, j’en étais certain, ne pouvait ressentir aucun intérêt pour un étranger que le hasard avait jeté dans sa vie comme un accident. Il était possible qu’elle regrettât son passé de jeune fille, et qu’elle ne vît pas approcher sans alarmes le moment d’adopter un parti si grave. Mais il n’était pas douteux non plus, en admettant qu’elle fût libre de toute affection sérieuse, que le désir de son père, les considérations de rang, de position, de fortune, ne la décidassent pour une union où M. de Nièvres apportait, en outre de tant de convenances, des qualités sérieuses et attachantes.

Je n’éprouvais contre l’homme qui me rendait