Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/195

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local et de résistant que je ne transplanterais jamais qu’à demi, et si le désir de m’acclimater m’était venu, les mille liens indéracinables des origines m’auraient averti par de continuelles et vaines souffrances que c’était peine inutile. Je vivais à Paris comme dans une hôtellerie où je pouvais demeurer longtemps, où je pourrais mourir, mais où je ne serais jamais que de passage. Ombrageux, retiré, sociable seulement avec les compagnons de mes habitudes, dans une constante défiance des contacts nouveaux, le plus possible j’évitais ce terrible frottement de la vie parisienne qui polit les caractères et les aplanit jusqu’à l’usure. Je ne fus pas davantage aveuglé par ce qu’elle a d’éblouissant, ni troublé par ce qu’elle a de contradictoire, ni séduit par ce qu’elle promet à tous les jeunes appétits, comme aux naïves ambitions. Pour me garantir contre ses atteintes, j’avais d’abord un défaut qui valait une qualité, c’était la peur de ce que j’ignorais, et cet incorrigible effroi des épreuves me donnait pour ainsi dire toutes les perspicacités de l’expérience.

J’étais seul ou à peu près, car Augustin ne s’appartenait guère, et dès le premier jour j’avais bien compris qu’Olivier n’était pas homme à m’appartenir longtemps. Tout de suite il avait pris des