Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/203

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— Parle, lui dis-je, parle. Tu ne me diras rien que je ne me sois mille fois répété.

— C’est une erreur. J’affirme que tu ne t’es jamais tenu le langage suivant. Madeleine est heureuse ; elle est mariée, elle aura l’une après l’autre les joies légitimes de la famille, sans en excepter aucune, je le désire et je l’espère. Elle peut donc se passer de toi. Elle ne t’est rien qu’une amie fort tendre, tu n’es rien non plus pour elle qu’un excellent camarade qu’elle serait désespérée de perdre comme ami, impardonnable de prendre pour amant. Ce qui vous unit n’est donc qu’un lien, charmant s’il n’est qu’un lien, horrible s’il devenait une chaîne. Tu lui es nécessaire dans la mesure où l’amitié compte et pèse dans la vie ; tu n’as en aucun cas le droit de faire de toi un embarras. Je ne parle pas de mon cousin, qui, s’il était consulté, ferait valoir ses droits suivant les formes connues et avec les arguments des maris menacés dans leur honneur, ce qui est déjà grave, et dans leur bonheur, ce qui est beaucoup plus sérieux. Voilà pour Mme de Nièvres. En ce qui te regarde, la position n’est pas moins simple. Le hasard, qui t’a fait rencontrer Madeleine, t’avait fait naître aussi six à huit ans trop tard, ce qui est certainement un grand malheur pour toi et peut-