Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Son fusil seul indiquait l’aisance, et ses deux chiens avaient au cou un large collier garni d’argent sur lequel on voyait un chiffre. Il serra courtoisement la main du docteur et nous quitta presque aussitôt pour aller, nous dit-il, rallier ses vendangeurs, qui, ce soir-là même, achevaient sa récolte.

On était aux premiers jours d’octobre. Les vendanges allaient finir ; il ne restait plus dans la campagne, en partie rendue à son silence, que deux ou trois groupes de vendangeurs, ce que dans le pays on appelle des brigades, et un grand mât surmonté d’un pavillon de fête, planté dans la vigne même où se cueillaient les derniers raisins, annonçait en effet que la brigade de M. Dominique se préparait joyeusement à manger l’oie, c’est-à-dire à faire le repas de clôture et d’adieu où, pour célébrer la fin du travail, il est de tradition de manger, entre autres plats extraordinaires, une oie rôtie.

Le soir venait. Le soleil n’avait plus que quelques minutes de trajet pour atteindre le bord tranchant de l’horizon. Il éclairait longuement, en y traçant des rayures d’ombre et de lumière, un grand pays plat, tristement coupé de vignobles, de guérets et de marécages, nullement boisé, à peine onduleux, et s’ouvrant de distance en dis-