Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/232

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son, une corde humaine devait se briser. Il fallait que l’un de nous cédât ; sinon le plus ému, du moins le plus frêle. Ce fut Julie.

Elle était immobile à côté d’Olivier, sa petite main tremblante placée tout près de la main du jeune homme et fortement crispée sur la rampe, la tête penchée vers la mer, avec des yeux demi-fermés, cette expression d’égarement que donne le vertige, et presque la pâleur d’un enfant qui va mourir. Olivier s’aperçut le premier qu’elle allait s’évanouir, il la prit dans ses bras. Quelques secondes après, elle revint à elle en poussant un soupir d’angoisse qui souleva son mince corsage.

« Ce n’est rien, » dit-elle en réagissant aussitôt contre cet irrésistible accès de défaillance, et nous descendîmes.

On n’eut plus à parler de cet incident, qui fut oublié sans doute comme beaucoup d autres. Je me le rappelle aujourd’hui, en vous parlant de nos promenades au phare, comme étant la première indication de certains faits très-obscurs qui devaient avoir leur dénouement beaucoup plus tard.

Quelquefois, quand le temps était particulièrement calme et beau, un bateau venait nous prendre à la côte au bout de la prairie et nous condui-