Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/235

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de celles du comte. Elle avait la pose abandonnée que donne le sommeil. La chaleur concentrée sous la tente animait ses joues d’ardeurs un peu plus vives, et je voyais dans l’écartement de ses lèvres briller l’extrémité de ses petites dents blanches, comme les deux bords d’une coquille de nacre. Il n’y avait personne autre que moi pour assister au sommeil de cet être charmant. Julie, perdue dans je ne sais quelle confuse aspiration, surveillait attentivement le départ du grand navire qui appareillait. Alors je tâchai de fermer les yeux, je voulus ne plus voir, je fis de sincères efforts pour oublier. Je me levai, j’allai m’asseoir à l’avant, sans ombre sur la tête, appuyé contre le beaupré brûlant ; puis malgré moi mes yeux revenaient à la place où Madeleine dormait dans ses mousselines légères, étendue sur la rude toile qui lui servait de tapis. Étais-je ravi ? Étais-je torturé ? J’aurais plus de peine encore à vous dire si j’aurais souhaité quelque chose au delà de cette vision décente et exquise qui contenait à la fois toutes les retenues et tous les attraits. Pour rien au monde, je n’aurais fait le plus petit mouvement qui pût en suspendre le charme. Je ne sais combien dura ce véritable enchantement, peut-être plusieurs heures, peut-être seulement plusieurs minutes ; mais j’eus