Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/259

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n’avait pas de secret, c’est que Madeleine en jugeait l’explication inutile ou peu prudente. Il y avait entre nous un point délicat, tantôt dans le doute et tantôt dans la lumière, qui demandait, comme toutes les vérités dangereuses, à n’être pas éclairci.

Madeleine était avertie, il était impossible qu’elle ne le fût pas ; depuis combien de temps ? Peut-être depuis le jour où, respirant elle-même un air plus agité, elle y avait senti passer des chaleurs qui n’étaient plus à la température de notre ancienne et calme amitié. Le jour où je crus avoir la certitude de ce fait, cela ne me suffit pas. Je voulus en tenir la preuve et forcer pour ainsi dire Madeleine elle-même à me la donner. Je ne m’arrêtai pas une seule minute à la pensée qu’un pareil manège était détestable, méchant et odieux. Je la pressai de questions muettes. À mille sous-entendus qui nous permettait, comme aux gens qui se connaissent à fond, de nous comprendre à demi-mot, j’en ajoutai de plus précis. Nous marchions prudemment sur un terrain semé de pièges ; j’y dressai des embûches à tous les pas. Je ne sais quelle envie perverse me prit de la gêner, de l’assiéger, de la contraindre dans sa dernière réserve. Je voulais me venger de ce long silence imposé d’abord par timidité, puis par égard, puis par respect,