Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/28

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joyeuse éclata dans le fond de la plaine, et fit aboyer subitement tous les chiens de ferme des environs ; c’était la musique aigre et cadencée des cornemuses jouant un air de contredanse.

« On danse chez M. Dominique, me dit le docteur. Bonne occasion pour lui faire visite dès ce soir, si vous le voulez bien, puisque vous lui devez des remercîments. Lorsqu’on danse au biniou chez un propriétaire qui fait vendanges, sachez que c’est presque une soirée publique. »

Nous prîmes le chemin des Trembles, et nous nous acheminâmes à travers les vignes, doucement émus par l’influence de cette nuit magnifique. Le docteur, qui la subissait à sa manière, se mit à regarder les rares étoiles que le vif éclat de la lune n’eût pas éclipsées, et se perdit dans des rêveries astronomiques, les seules rêveries qu’un pareil esprit se crût permises.

On dansait devant la grille de la ferme sur une esplanade en forme d’aire, entourée de grands arbres et parmi des herbes mouillées par l’humidité du soir comme s’il avait plu. La lune illuminait si bien ce bal improvisé, qu’on pouvait se passer d’autres lumières. Il n’y avait guère, en fait de danseurs, que les vendangeurs de la maison, et peut-être un ou deux jeunes gens des environs