Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/283

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cela multiplier à l’infini des visites qui déjà se répétaient trop souvent. C’est alors qu’elle osa inventer des moyens de me voir hors de sa maison. Elle y mit cette effrayante effronterie qui n’est permise qu’aux femmes qui risquent leur honneur, ou à la pure innocence. Bravement, elle me donna des rendez-vous. Le lieu désigné était désert, quoique peu éloigné de son hôtel. Et ne supposez pas qu’elle choisît, pour ces expéditions périlleuses, les occasions fréquentes où M. de Nièvres s’absentait. Non, c’était lui présent à Paris, au risque de le rencontrer, de se perdre, qu’elle accourait à heure dite et presque toujours aussi maîtresse elle-même, aussi résolue qui si elle eût tout sacrifié.

Son premier coup d’œil était un examen. Elle m’enveloppait de ce large et éclatant regard qui voulait sonder ma conscience et reconnaître au fond de mon cœur les orages amassés ou dissipés depuis la veille. Son premier mot était une question : « Comment allez-vous » Ce comment allez-vous signifiait : « Êtes-vous plus sage ? » Quelquefois je lui répondais par un demi-mensonge courageux qui ne la trompait guère, mais qui alors éveillait en elle des curiosités et des inquiétudes d’un autre genre. Elle prenait mon bras, et nous marchions sous les arbres, nous taisant par