Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/294

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transpirât dans toutes mes paroles ; mais sa vie même était un exemple plus fortifiant que beaucoup de leçons. Quand j’étais bien las, bien découragé, bien humilié d’une lâcheté nouvelle, je venais à lui, je le regardais vivre, comme on va prendre l’idée de la force physique en assistant à des assauts de lutteurs. Il n’était pas heureux. Le succès n’avait encore récompensé ce rigide et laborieux courage que par de maigres faveurs ; mais il pouvait du moins avouer ses défaillances, et les difficultés qui l’exerçaient à des luttes si vives n’étaient pas de celles dont on rougit.

J’appris un jour qu’il n’était plus seul.

Augustin me fit part de cette nouvelle, qui, pour beaucoup de raisons, avait la gravité d’un secret, pendant une longue nuit d’entretien qu’il passa tout entière à mon chevet. Je me souviens que c’était vers la fin de l’hiver : les nuits étaient encore longues et froides, et l’ennui de retourner chez lui si tard l’avait décidé à attendre le jour dans ma chambre. Olivier vint nous interrompre au milieu de la nuit. Il rentrait du bal ; il en rapportait dans ses habits comme une odeur de luxe, de bouquets de femmes et de plaisirs ; et sur son visage, un peu fatigué par les veilles, il y avait des lueurs de fête et comme une pâleur émue qui lui