Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/327

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sistant fixé sur nous, Madeleine eut-elle un soupçon ? Je le crois, car elle se tourna tout à coup comme pour me surprendre. Je soutins le feu de ses yeux, le plus immédiat et le plus clairvoyant que j’aie jamais affronté. Il se serait agi de sa vie que je n’aurais pas été plus déterminé dans un acte de témérité qui me demanda le plus grand effort. Le reste de la soirée se passa mal. Madeleine parut moins occupée de la musique et distraite par une idée gênante, comme si ce vis-à-vis malencontreux l’importunait. Une ou deux fois encore, elle essaya d’éclairer ses doutes ; puis elle devint étrangère à tout ce qui se passait autour d’elle, et je compris qu’elle se retirait au fond de sa pensée.

Je la reconduisis jusqu’à sa voiture. Arrivé là, le marchepied baissé, Madeleine enfouie dans ses fourrures :

« Me permettez-vous de vous accompagner ? » lui dis-je.

Il n’y avait aucune réponse à me faire, surtout en présence de M. d’Orsel et de Julie. La demande était d’ailleurs des plus simples. Je montai avant même qu’on me l’eût permis.

Il n’y eut pas un mot de prononcé pendant ce trajet sur un pavé bruyant, au pas rapide et retentis-