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L’HOMME À L’HISPANO

Il se sentait comblé et déchiré, et, soudain, il eut peur qu’elle s’en aperçut. Il s’excusa avec une câlinerie :

— Ne m’en veuillez pas de mon trouble. Vous êtes si proche de moi et vous me semblez irréelle… Ne souriez pas… Je vous assure, il me semble que vous allez disparaître tout d’un coup et me laisser seul. Il n’y aura plus qu’une fumée.

Ainsi, pour lui-même, s’exprimait son angoisse véritable : le sentiment de l’éphémère. Mais, ne pouvant savoir, elle riait des paroles tendres qui lui semblaient amusantes aussi. Dans son équilibre et sa puissance vitale, elle ne craignait point de disparaître comme une fumée. Elle rit. Et son rire était doucement sensuel.

— Vous êtes fou, dit-elle.

Il tressaillit et, de sa voix basse, hâtive, il murmura :

— Oui, je suis fou.

Il la contemplait, emporté dans un éblouissement, comme un enfant pauvre devant la féerie d’un jouet somptueux et vivant. Ses mots maintenant hésitaient :

— Laissez-moi vous dire… si j’avais… à Dieu ou à la nature… commandé mes rêves… expliqué ce que j’aurais voulu rencontrer… eh bien, c’est vous que j’aurais dépeinte, vous, absolument… Croyez-moi… Et non seulement vous, avec vos belles mains, vos yeux, cette voix, mais tout, je vous assure, tout… cette robe, ces perles