Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/10

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que revirement une de ces natures impétueuses, irascibles, passant d’une extrémité à l’autre, et incapables, au lendemain de l’insulte, d’apercevoir une seule des qualités de l’homme dont elles ne voyoient pas la veille les défauts.

La Fontaine riposta par une assez médiocre épigramme ; Benserade écrivit à Bussy pour lui reprocher son trop d’indulgence à l’endroit de ce misérable Furetière.

Dans l’impossibilité de vider la question de moralité entre Furetière et ses accusateurs, que nous reste-t-il à juger, à nous postérité ?

D’un côté un ouvrage considérable, un ouvrage gigantesque, et qu’en raison de l’étendue et de la nouveauté du plan on peut appeler original ; un livre qui, rajeuni de siècle en siècle par les révisions de grammairiens tels que Huet, Basnage et les Pères de Trévoux, est encore resté aujourd’hui, pour l’homme de lettres, l’autorité décisive et l’encyclopédie grammaticale la plus complète ; de l’autre une obscure Batrachomyomachie de tracasseries misérables, de questions personnelles, sans profit pour le public et sans intérêt pour l’histoire. Tels sont, en dernière analyse, les véritables termes de la question ; et c’est ainsi que nous aurions voulu la voir présenter dans le discours préliminaire du secrétaire perpétuel de l’Académie françoise.

Et maintenant, comment l’auteur d’un travail aussi important, comment cet homme assez érudit, et en même temps assez intelligent, pour concevoir et conduire à fin, seul, une entreprise de cette taille, le pre-