Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/341

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si communes aujourd’huy, et dont le mestier il n’y a gueres estoit tout à fait inconnu.

Vrayment, monsieur le prevost (dit alors Charroselles), vous avez interest que ce nouveau mestier s’établisse en vostre justice ; mais il le faudra aussi-tost unir et incorporer avec les vendeurs de tabac126, parce qu’ils ont cela de commun, qu’ils vendent tous deux de la fumée. Oüy dea (dit Belastre), je le pourray bien faire, mais je leur promets d’aller souvent en police chez eux, car on dit que c’est une marchandise fort sophistiquée. Collantine, prenant à son tour la parolle, et l’addressant à Charroselles : Vous ne me montrez point (dit-elle) le papier que vous avez ramassé ; il y a long-temps que vous le considerez ; n’est-ce point quelque obligation ou lettre de change ? Je crois (dit Charroselles, apres l’avoir encore quelque temps examiné) que vous avez touché au but. C’est en effet une lettre de change de reputation, tirée par Mythophilacte sur un academicien humoriste de Florence ; car il luy envoye un ouvrage d’un de ses amis, et il le prie, à piece veuë, de luy vouloir payer douze vers d’approbation pour valeur reçeuë, luy promettant de luy en tenir compte, et de le payer en mesme monnoye. Cette monnoye (reprit Collantine) ne se trouve point dans


sieurs années auparavant, à 1630 environ. V. Mélanges d’une grande bibliothèque, Hh., p. 187. Le grand d’Aussy, Vie privee des François, tom. III, passim.

126. C’est à peu près la pensée de Saint-Amand à la fin de l’un de ses sonnets :

Non, je ne trouve pas beaucoup de différence
De prendre du tabac et vivre d’espérance :
Car l’un n’est que fumée et l’autre n’est que vent.