Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/48

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Peut-estre mesme qu’en cecy il ne manquoit pas de raison ; car il arrive la pluspart du temps que ceux qui content là dessus se trouvent attrapez, et que ces fortunes que les bourgeoises font pour leur beauté aboutissent bien souvent à une question de rapt que font les parens du jeune homme qui les espouse, ou a une séparation de biens que demande la nouvelle mariée à un fanfaron ruiné.

Cette disposition favorable fut cause que Nicodeme, pressé d’ailleurs de son amour, fit une belle declaration et une demande précise au nom de mariage au pere de Javotte.qui, ayant receu cette proposition avec la civilité dont un homme de l’humeur de Vollichon estoit capable, s’enquit exactement de la quantité de son bien, s’il n’estoit point embrouillé, et s’il n’avoit point fait de débauches ny de debtes. La seule difficulté qu’il y trouvent estoit que ce marié estoit trop beau, c’est à dire qu’il estoit trop bien mis et trop coquet. Car, à vrai dire, la propreté qui plaist à tous les honnestes gens est ce qui choque le plus ces barbons. Il disoit que le temps qu’on employait à s’habiller ainsi proprement estoit perdu, et que cependant on auroit fait cinq ou six roolles d’écritures. Il se plaignoit aussi que telle piece d’ajustement coûtoit la valeur de plus de vingt plaidoyers. Neantmoins l’estime qu’il avoit conceue pour Nicodeme effaçoit tout ce dégoust ; et, devenant indulgent en sa faveur, il disoit qu’il falloit que la jeunesse se passast ; mais, ne croyant pas qu’elle s’estendist au delà du temps qu’il falloit pour rechercher une fille, il esperoit dans trois mois de le voir aussi crasseux que lui.

Enfin, apres qu’il eut examiné l’inventaire, les par-