Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/82

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crece en faisant grande dépense pour elle ; il luy laissa mesme gagner quelque argent, en faisant voir neantmoins qu’il ne perdoit pas par sottise, ni faute de sçavoir le jeu. Apres, il s’accoustuma à luy faire des presens en forme, qu’elle reçut volontiers, quoy qu’elle eust assez de cœur ; mais elle estoit obligée d’en user ainsi, car elle avoit moins de bien que de vanité. Elle vouloit paroistre, et ne le pouvoit faire qu’aux dépens de ses amis. Les cadeaux n’estoient pas non plus épargnez ; les promenades à Saint-Clou, à Meudon et à Vaugirard, estoient fort frequentes20, qui sont les grands chemins par où l’honneur bourgeois va droit à Versailles21, comme parlent les bonnes gens. Toutes ces choses neantmoins ne con-



20. C’est là qu’on faisoit alors les fines parties, et Furetière est loin d’avoir tort dans ce qu’il ajoute sur les risques qu’y couroit « l’honneur bourgeois ». Ailleurs il en avoit parlé, et sur le même ton (V. le Voyage de Mercure, liv. 4, Paris, 1653, in-4. p. 88). — Sarrazin, dans la lettre qui sert de préface à son Ode à Calliope, dit aussi, par allusion au scandale de ces gaîtés champêtres : « Si je devine bien, le mot d’aventure et le lieu de Saint-Clou (sic) vous feront d’abord songer à quelque chose d’étrange, et vous ne tarderez guère à scandaliser votre bonne amie et votre très humble serviteur. » Un amant ne pardonnoit pas à sa maîtresse de faire sans lui une promenade à Saint-Cloud :

——--Je ne saurois vous pardonner
Le régal qu’à Saint-Cloud Paul vient de vous donner ;
C’est le plus dégoûtant de tous les esprits fades.
——--Vous aimez trop les promenades,
——--Iris : allez vous promener.
C’est le (Poésies de Charleval, Amst., 1759, in-12, p. 52, épigr. 37.)

21. « Aller à Versailles, être renversé. » Ant. Oudin, Curiositez françoises, Paris, 1640, in-12. p. 569.