Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/91

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çailles se devoient faire dans deux jours, et que c’estoit Nicodeme qui devoit estre son gendre. Comment ! (s’écria Villeflatin) et on disoit qu’il devoit épouser mademoiselle Lucrece, nostre voisine ! J’ai veu, leu et tenu une promesse de mariage à son profit, et qui est bien signée de luy. Vous me surprenez (dit Vollichon), je vous prie de m’en faire sçavoir des nouvelles certaines, et de me dire s’il… Et, sans achever, il le quitta avec furie, en criant : Qui appelle Vollichon ? C’estoit le guichetier de la porte du presidial, qui appelloit Vollichon pour venir parler sur la montée à une partie qu’on ne vouloit pas laisser entrer. Son avidité, qui ne vouloit rien laisser perdre, ne luy permit pas de faire reflexion qu’il quittoit une affaire tres importante pour une autre qui estoit peut-estre de neant, comme elle estoit en effet. Si-tost qu’il eut expédié cette partie, il retourna au lieu où il avoit laissé Villeflatin, pour luy demander s’il se souvenoit des termes ausquels la promesse de mariage estoit conçue, puisqu’il l’avoit eue entre ses mains ; mais il ne le trouva plus : car, comme celuy-cy estoit fort zelé pour le service de Lucrece et de toute sa famille, voyant le brusque départ de Vollichon, il s’imagina qu’il estoit allé promptement faire avertir sa femme et sa fille qu’on vouloit aller sur son marché et qu’une autre personne avoit surpris une promesse de mariage de Nicodeme. Enfin il crut qu’il estoit allé donner ordre d’achever le mariage avant qu’on y pust former opposition, de peur de laisser échapper ce party, qui en effet lui estoit avantageux. Il eut peur que ce qu’il avoit découvert à Vollichon ne le poussast encore plustost à precipiter l’affaire. C’est ce qui l’obligea d’aller tout de ce pas et de son propre mouvement