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souvenirs d’une actrice.

songeait qu’à inventer quelques modes, dont personne n’eût encore eu l’idée ; on se cachait de son coiffeur comme d’un traître capable de livrer les plans de la tactique féminine qu’il ne devait connaître qu’au moment de les exécuter. La marchande de modes, la tailleuse, étaient achetées à prix d’or, et venaient passer des heures à concerter l’attaque ; elles se réunissaient en conseil de guerre. On était sûr de la victoire.

Il arrivait cependant (ainsi que dans toutes les combinaisons qui obligent à confier son secret à la fidélité des autres), qu’il était vendu à celle qui doublait le prix ; alors ce n’était pas seulement une défaite, mais une déroute complète, un véritable désespoir. Quelle honte d’arriver à Longchamps, ou au retour dans un salon, et d’y apercevoir cette coiffure, cette robe, qu’on avait rêvées, composées avec autant de soin qu’une déclaration de guerre ou un traité de paix ! On rentrait chez soi humiliée, le cœur froissé d’avoir été précédée ou suivie, après tant de temps employé à cette œuvre mystérieuse ! N’avoir été vue que la seconde, c’était un véritable guet-apens, sur-