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souvenirs d’une actrice.

organe, et d’ailleurs le goût change ; il faut savoir si tous ces talents réunis alors, plairaient maintenant ? » Je le crois, car il y a quelque chose qui ne change jamais et qui frappe juste sur toutes les classes de spectateurs. J’ai quelquefois entendu, le jour des représentations gratis, les gens du peuple se disant : « As-tu vu ? ils ne se gênent pas, c’est qu’ils ont l’air d’être chez eux. » Et dans la tragédie, ils applaudissaient toujours à propos, guidés par cet instinct de la nature, qui nous révèle ce qui est beau, et qui nous sert quelquefois mieux que l’instruction.

Lorsque Monvel fit jouer sa comédie de l’Amant bourru, au Théâtre-Francais, M. de La Harpe était directeur du Mercure de France ; il y distribuait l’éloge et la critique, souvent avec partialité. Rencontrant Monvel à la sortie du spectacle, il l’arrête pour lui témoigner combien il est enchanté de sa pièce, l’assure qu’il n’y a qu’une voix là-dessus, que tout le bien qu’il en pense, il l’écrira dans le Mercure, que c’est une tâche facile de faire l’éloge d’un semblable ouvrage, et qu’il ne sera que l’interprète de l’opinion générale.