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108 LIVRE II. LA FAMILLE.

d'avoir « un foyer privé d'épouse* ». Chez les Romains, la présence de la femme est si nécessaire dans le sacrifice, que le prêtre perd son sacerdoce en devenant veuf*.

On peut croire que c'est à ce partage du sacerdoce domes- tique que la mère de famille a dû la vénération dont on n'a jamais cessé de l'entourer dans la société grecque et ro- maine. De là vient que la femme porte dans la famille le même titre que son mari : les Latins disent paterfamilias et mater- familias^ les Grecs olxooeajzdiTjç et olxoSlanotva, les Hindous grihapatif grihapatni. De là vient aussi cette formule que la femme prononçait dans le mariage romain : Ubi tu Caius, ego Caia, formule quj nous dit que, si dans la maison il n'y a pas égale autorité, il y a au moins dignité égale*.

Quant au fils, nous l'avons vu soumis à l'autorité d'un père qui peut le vendre et le condamner à mort. Mais ce fils a son rôle aussi dans le culte ; il remplit une fonction dans les céré- monies religieuses ; sa présence, à certains jours, est tellement nécessaire que le Romain qui n'a pas de fils est forcé d'en adopter un fictivement pour ces jours-là, afin que les rites soient accomplis*. Et voyez quel lien puissant la religion éta- blit entre le père et le fils ! On croit à une seconde vie dans le tombeau, vie heureuse et calme, si- les repas funèbres sont régulièrement offerts. Ainsi le père est convaincu que -sa destinée après cette vie dépendra du soin que son fils aura de son tombeau, et le fils, de son côté, est convaincu que son père mort deviendra un dieu et qu'il aura à l'invoquer.

On peut deviner tout ce que ces croyances mettaient de

��1. Xénophoa, Oouv. de Lacéd., IX, s : ^uvaixi; xev^v i<nlav.

2. Plularque, Quest. rom., 50. Cf. Denys d'Halicarnasse, II, 3S.

S. Aussi se trompe-t-on beaucoup quand ou parle du triste assujettissement de la femme romaine in manu mariti. Le mot manus implique l'idée, non de force brutale, mais d'autorité, et il s'applique aussi bien à celle du père sur la Qlle ou éa frère sur la sœur qu'à celle du mari sur la femme. Tite-Live, XXXIV, 2: fe- minas in manu esse parentum, fratrum, virorum. La femme mariée suivant les rites était une maîtresse de maison. Nupta in domo viri dominium adi' piêcitur (Hacrobe, I, 15, in fine); Denys d'Halicarnasse, II, 35, exprime nette- ment la situation de la femme : c En obéissant ra tout à son mari, ella «tait la maîtresse de la maison comme lui-même. »

4. Den;s d'Halicarnasse, Il 30, 2a.

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