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224 LIVRE III. LA CITÉ.

Irès-brefs, que l'on peut comparer, pour la forme, auxversetr du livre de Moïse ou aux çlocas du livre de Manou. Il y d même grande apparence que les paroles de laloi étaient rhyth- mées'i Aristote dit qu'avant le temps où les lois furent écri- tes, on les chantait*.^ Il en est resté des souvenirs dans la langue; les Romains appelaient les lois carmtna^, des vers, les Grecs disaient v<[ioi, des chants*.

' Ces vieux vers étaient des textes invariables. Y changer une lettre, y déplacer un mot, en altérer le rhythme, c'eût été dé- truire la loi elle-même, en détruisant la forme sacrée sous la- quelle elle s'était révélée aux hommes. La loi était comme la prière, qui n'était agréable à la divinité qu'à la condition d'être récitée exactement, et qui devenait impie si un seul mot y était changé. Dans le droit primitif, l'extérieur, la lettre est tout; il n'y a pas à chercher le sens ou l'esprit de la loi. La loi ne vaut pas par le principe moral qui est en elle, mais par les mots que sa formule renferme. Sa force est dans les paroles sacrées qui la composent. !

Chez les anciens et surtout à Rome, l'Idée du droit était in- séparable de l'emploi de certains mots sacramentels. S'agis- sait-il, par exemple, d'une obligation à contracter, l'un devait dire : Dari spondes? et l'autre devait répondre : Spondeo. Si ces mots-là n'étaient pas prononcés, il n'y avait pas de con- trat. En vain le créancier venait-il réclamer le payement de la dette, le débiteur ne devait rien. Car ce qui obligeait l'homme dans ce droit antique, ce n'était pas la conscience ni le sentiment du juste, c'était la formule sacrée. Cette formule prononcée entre deux hommes établissait entre eux un lien de droit. Où la formule n'était pas, le droit n'était pas. )

(Les formes bizarres de l'ancienne procédure romaine n nous surprendront pas, si nous songeons que le droit antique était une religion, la loi un texte sacré, la justice un ensem

I. Élien, H. V., II, 39.

?. Aristote, Probl., XIX, 28.

S. Tite-Live, I, 26 : Lex horrendi carminis erat.

4. Né|x«, partager ; voao?, dirision, mesure, rythme, chant ; voy. Plutarque., Dé musica, p. 1133; Pindare, Pyth. XII, 41; fragm. 190 (édit: Heyne). SchoU«t«  d'Aristophane, Chev., 9 : Ninm ««loàrmi «î •!« Iiodç ffiivoi.

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