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CHAP. III. LE FEU SACRé. 25

dule même ne pouvait pas s'affranchir. Horace, Ovide, Juvénal, soupaient encore devant leur foyer et faisaient la libation et la prière'.

Ce cuite du feu saôré n'appartenait pas exclusivement aux populations de la Grèce et de l'Italie. On le retrouve en Orient. Les_loisde Manou, dans la rédaction qui nous en est parvenue, nous montrent la religion de Brahma complètement établie et penchant même vers son déclin : mais elles ont gardé des vestiges et des restes d'une religion plus ancienne, celle du foyer, que le culte de Brahma avait reléguée au second rang, mais n'avait pas pu détruire. Le brahmane a son foyer qu'il doit entretenir jour et nuit ; chaque matin et chaque soir il lui donne pour aliment le bois ; mais, comme chez les Grecs, ce ne peut être que le bois de certains arbres indiqués par la religion. Comme les Grecs et les Italiens lui offrent le vin, l'Hindou lui verse la liqueur fermentée qu'il appelle soma. Le repas est aussi un acte religieux, et les rites en sont décrits scrupuleusement dans les lois de Manou. On adresse des prières au foyer, comme en Grèce; on lui offre les prémices du repas, le riz, le beurre, le miel. 11 est dit : o Le brahmane ne doit pas manger du riz de la nouvelle récolte avant d'en avoir offert les prémices au foyer. Car le feu sacré est avide de grain, et quand il n'est pas honoré, il dévore l'existence du brah- mane négligent. » Les Hindous, comme les Grecs et les Ro- mains, se figuraient les dieux avides non-seulement d'honneurs et de respect, mais même de breuvage et d'aliment. L'homme se croyait forcé d'assouvir leur faim et leur soif, s'il voulait éviter leur colère.

Chez les Hindous cette divinité du feu est souvent appelée Agni. Le Rig-Véda contient un grand nombre d'hymnes qui lui sont adressés. Il est dit dans l'un d'eux : « Agni, tu es la vie, tu es le protecteur de l'homme.... Pour prix de nos louanges, donne au père de famille qui t'implore, la gloire et la richesse...; Agni, tu es un défenseur prudent et un père; à

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1. Ante larem propriutn vescor vernasque proeace* Pasco libati/i dapib-ut (Horace, Sat., II, 6, M). — Ovide, FatUt, U, 631-09S. — Juvénal, XII, tS-90 — Pétrone, Salir., e. 60.

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