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830 LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

désigner la classe inférieure. Celle classe, le poêle nous décrit sa condition ancienne : « elle ne connaissait autrefois ni les tribunaux ni les lois » ; c'est assez dire qu'elle n'avait pas le droit de cité. Il n'était même pas permis à ces hommes d'ap- procher de la ville; « ils vivaient en dehors comme des bêtes sauvages ». Ils n'assistaient pas aux repas religieux ; ils n'a- vaient pas le droit de se marier dans les famille des bons.

Mais que tout cela est changé! les rangs ont été boulever- sés, « ies mauvais ont été mis au-dessus des bons. » La justice est troublée-^ les antiques lois ne sont plus, et des lois d'une nouveauté élrange les ont remplacées. La richesse est devenue l'unique objet des désirs des hommes, parce qu'elle donne la puissance. L'homm.e de race noble épouse la fille du riche plébéien et « le mariage confond les raceà ».

Théognis, qui sort d'une famille aristocratique, a vainement essayé de résister au cours des choses. Condamné à l'exil, dé- pouillé de ses biens, il n'a plus que ses vers pour protester et pour combattre. Mais s'il n'espère pas le succès, du moins il ne doute pas de la justice de sa cause; il accepte la défaite, mais il garde le sentiment de son droit. A ses yeux, la révo- lution qui s'est faite est un mal moral, un crime. Fils de l'a- ristocratie, il lui semble que cette"' révolution n'a pour elle ni la justica flt- les dieux et qu'elle porte atteinte à la religion. « Les dieux, dit-il, ont quitté la terre ; nul ne les craint. La race des hommes pieux a disparu ; on n'a plus souci des Immortels. »

Ces regrets sont inutiles, il le sait bien. S'il gémit ainsi, c'est par une sorte de devoir pieux, c'est parce qu'il a reçu des anciens a la tradition sainte », et qu'il doit la perpétuer. Mais en vain : la tradition même va se flétrir, les fils des nobles vont oublier leur noblesse ; bientôt on les verra tous s'unir par le mariage aux familles plébéiennes, « ils boiront à leurs fêtes et mangeront à leur table » ; ils adopteront bientôt leurs senti- ments. Au temps de Théognis, le regret est tout ce qui reste à l'aristocratie grecque, et ce regret même va disparaître.

En effet, après Théognis, la noblesse ne fut plus qu'un souvenir. Les grandes familles continuèrent à garder pieuse- mont le culte domestique et la mémoire des ancêtres ; mais et

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