Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1920.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

S60 LIVRE ÎV. LES REVOLUTIONS.

Le palriciat usa do toute sa force et de toute son adresse pour écarter les plébéiens de ses magistratures. H défendait à la fois sa religion et sa puissance. Dès qu'il vit que le con- sulat était en danger d'être obtenu par la plèbe, il en détacha la fonction religieuse qui avait entre toutes le plus d'impor- tance, celle qui consistait à faire la lustration des citoyens ; ainsi furent établis les censeurs. Dans un moment où il lui semblait trop difficile de résister aux vœux des plébéiens, il remplaça le consulat par le tribunal militaire. La plèbe montra d'ailleurs une grande patience ; elle attendit soixante-quinze ans que son désir fût réalisé. Il est visible qu'elle mettait moins d'ardeur à obtenir ces hautes magistratures qu'elle n'en avait mis à conquérir le tribunal et un code.

Mais si la plèbe était assez indifférente, il y avait une aris- tocratie plébéienne qui avait de l'ambition. Voici une légende de cette époque : « Fabius Ambustus, un des patriciens les plus distingués, avait marié ses deux filles, l'une à un patricien qui devint tribun militaire, l'autre à Licinius Stolon, homme' fort en vue, mais plébéien. Celle-ci se trouvait un jour chez 3a sœur, lorsque les licteurs, ramenant le tribun militaire à sa maison, frappèrent la porte de leurs faisceaux. Comme elle ignorait , cet usage, elle eut peur. Les rires et les questions ironiques de sa sœur lui apprirent combien un mariage plé- béien l'avait fait déchoir, en la plaçant dans une maison où les dignités et les honneurs ne devaient jamais entrer. Son père devina son chagrin, la consola et lui promit qu'elle verrait un jour chez elle ce qu'elle venait de voir dans la maison de sa sœur. Il s'entendit avec son gendre, et tous les deux travaillèrent au même dessein. » Cette légende parmi quelques détails puérils et invraisemblables, nous apprend du moins deux choses : l'une, que l'aristocratie plébéienne, à force de vivre avec les patriciens, prenait leur ambition et aspirait à leurs dignités ; l'autre, qu'il se trouvait des patri- ciens pour encourager et exciter l'ambition de cette nouvell aristocratie, qui s'était unie à eux par les liens les plus étroits.

Il parait que Licinius et Sextius qui s'était joint à lui, ne

�� �