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CHAP. IX. NOUVEAU PRINCIPE DE GOUVERNEMENT. 377

politique, on ne se demande plus ce que la religion prescrit, mais ce que réclame l'intérêt général.

On attribue à Solon une parole qui caractérise assez bien le régime nouveau. Quelqu'un lui demandait s'il croyait avoir donné à sa patrie la constitution la meilleure : a Non pas, ré- pondit-il ; mais celle qui lui convient le mieux. » Or, c'était quelque chose de très-nouveau que de ne plus demander aux formes de gouvernement et aux lois qu'un mérite relatif. Les anciennes constitutions, fondées sur les règles du culte, s'é- taient proclamées infaillibles et immuables ; elles avaient eu la rigueur et l'inflexibilité de la religion. Solon indiquait par cette parole qu'à l'avenir les constitutions politiques devraient se conformer aux besoins, aux mœurs, aux intérêts des hommes de chaque époque. Il ne s'agissait plus de vérité absolue ; les règles du gouvernement devaient être désormais flexibles et variables. On dit que Solon souhaitait, et tcjt au plus, que ses lois fussent observées pendant cent ans*. t

Les prescriptions de l'intérêt public ne sont pas aussi abso- lues, aussi claires, aussi manifestes que le sont celles d'une religion. On peut toujours les discuter; elles ne s'aperçoivent pas tout d'abord. Le mode qui parut le plus simple et le plus sûr pour savoir ce que l'intérêt public réclamait, ce fut d'as- sembler les hommes et de les consulter. Ce procédé fut jugé nécessaire et fut presque journellement employé. Dans l'épo- que précédente, les auspices avaient fait à peu près tous les frais des délibérations : l'opinion du prêtre, du roi, du magis- trat sacré était toute-puissante ; on votait peu, et plutôt pour accomplir une formalité que pour faire connaître l'opinion de chacun. Désormais on vota sur toutes choses ; il fallut avoir l'avis de tous, pour être sûr de connaître l'intérêt de tous. Lo suffrage devint le grand moyen de gouvernement. Il fut U source des institutions, la règle du droit; il décida de l'util* et mênî© du juste. Il fut au-dessus des magistrats, au-dessua txiéaae des loia ; il fut le souverain dans la cité.

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