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408 LIVRE IV. LES REVOLUTIONS.

par cupidité, les riches par peur. Aristote dit que les riches prononçaient entre eux ce serment : « Je jure d'être toujours l'ennemi du peuple, et de lui faire tout le mal que je pourrai '.

Il n'est pas possible de dire lequel des deux partis commit le plus de cruautés et de crimes. Les haines effaçaient dans le cœur tout sentiment d'humanité. « 11 y eut à Milet une guerre entre les riches et les pauvres. Ceux-ci eurent d'abord le dessus et forcèrent les riches à s'enfuir de la ville. Mais en- suite, regrettant de n'avoir pu les égorger, ils prirent leurs enfants, les rassemblèrent dans des granges et les firent broyer sous les pieds des bœufs. Les riches rentrèrent ensuit3 dans la ville et redevinrent les maîtres. Ils prirent, à leur tour, les enfants des pauvres, les enduisirent de poix et les brûlèrent tout vifs*, t

Que devenait alors la démocratie? RUe n'était pas précisé- ment responsable de ces excès et de ces crimes, mais elle en était atteinte la première. 11 n'y avait plus de règles; or, la démocratie ne peut vivre qu'au milieu des règles les plus strictes et les mieux observées. On ne voyait plus de vrais gouvernements» mais des factions au pouvoir. Le magistrat

1. Aristote, Politique, V, 7, 19. Plutarque, Lyeandre, 19.

2. Héraclide de Pont, dans Athénée, XII, 26. — II est assez d'ueage d'accuser U démocratie athénienne d'avoir donné à la Grèce l'eiemple de ces eicès et de cee bouleyersements. Athènes est, au contraire, presque la seule cité grecque à noi» connue qiii n'ait pas vu dans ses murs cette guerre atroce entre les riches elles pau- Tfes. Ce peuple intelligent et sage avait compris, dès le jour où la série des révolutions avait commencé, que l'on marchait vers un terme où il n'y aurait que le travail qui pût sauver la société. Elle l'avait donc encouragé et rendu honorable. Solon avait prescrit que tout homme qui n'aurait pûj un travail fût privé des droits politiques. Périclèa avait voulu qu'aucun esclave ne mit la main à la construction des grandi monuments qu'il élevait, et il avait réservé tout ce travail aux hommes libres. La propriété était d'ailleurs tellement divisée qu'à la fin du cinquième^ siècle oa comptait dans le petit territoire de l'Attique plus de dix mille citoyens qui étaient propriétaires fonciers contre cinq mille seulement qui ne l'étaient pas (Denys d'Ha- lic., de Lysia, 32). Aussi Athènes, vivant sous un régime économique un peu meil- lear que celui des antres cités, fut-elle moins troublée que le reste de la Grèce. La guerre des pauvres contre les riches y exista comme ailleurs, mais elle y fut moins violente et n'engendra pas d'aussi graves désordres; elle se borna à un système d'impôts et de liturgies qui ruina la classe riche, à un système judiciaire qui la It trembler et l'écrasa, mais du moins elle n'alla jamais jusqu'à l'abolition dji dettes «t au partage dea terres.

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