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404 LIVRE IV LES REVOLUTIONS.

le dessus et défendaient leur fortune; tyrannie indiquait

exactement le contraire.

C'est un fait général et presque sans exception dans ITiis- toire de la Grèce el de l'Italie, que les tyrans sortent du parti populaire et ont pour ennemi le parti aristocratique. « Le tyran, dit Aristote, n'a pour mission que de protéger le peuple contre les riches; il a toujours commencé par être un déma- gogue, et il est de l'essence de la tyrannie de combattre l'aris- tocratie. » — « Le moyen d'arriver à la tyrannie, dit-il encore, c'est de gagner la confiance de la foule; or, on gagne sa con- fiance en se déclarant l'ennemi des riches. Ainsi firent Pisistrate à Athènes, Théagène à Mégare, Denys à Syra- cuse'.»

Le tyran fait toujours la guerre aux riches. A Mégare, Théagène surprend dans la campagne les troupeaux des riches et les égorge. A Cumes,Aristodème abolit les dettes et enlève les terres aux riches pour les donner aux pauvres. Ainsi font Nicoclès à Sicyone, Aristomaque à Argos. Tous ces tyrans nous sont représentés par les écrivains comme très- cruels; il n'est pas probable qu'ils le fussent tous par nature; mais ils rétalent par la nécessité pressante où ils se trouvaient de donner des terres ou de l'argent aux pauvres. Ils ne pouvaient se maintenir au pouvoir qu'autant qu'ils satisfaisaient les con- voitises de la foule et qu'ils entretenaient ses passions.

Le tyran de ces cités grecques est un personnage dont rien aujourd'hui ne peut nous donner une idée. C'est un homme qui vit au milieu de ses sujets, sans intermédiaire et sans ministres, et qui les frappe directement.. Il n'est pas dans cette position élevée et indépendante oiî est le souverain d'un grand État. Il a toutes les petites passions de l'homme privé : il n'est pas insensible aux profits d'une confiscation ; il est'^ccessible à la colère et au désir de la vengeance personnelle ; il a peur; il sait qu'il a des ennemis tout près de lui et que l'opinion publique approuve l'assassinat, quand c'est un tyraà- qui est frappé. On devine ce que peut être le gouvernement

t. Arialato, PMiti^^te, V, <, 3-3 ; V, 4. &■

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