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418 LIVRE V^ LK RÉGIKE MUNICIPAL DISPARAIT.

de3 vieux hymnes de la cité, des chants nouveaux où il n'était parlé ni des dieux Lares ni des divinités poliades, et où se disaient les légendes des grands dieux de la terre et du ciel; et le peuple grec oubliait ses vieux hymnes domestiques ou lationaux pour cette poésie nouvelle, qui n'était pas fille de la religion, mais de l'art et de l'imagination libre. En même temps, quelques grands sanctuaires, comme ceux de Delphes et de Délos, attiraient les hommes et leur faisaient oublier les cuites locaux. Les Mystères et la doctrine qu'ils conte- naient, les habituaient à dédait-ner la religion vide et insigni- fiante de la cité.

Ainsi une révolution intellectuelle s'opéra lentement et obs- curément. Les prêtres mêmes ne lui opposaient pas de résis- tance ; car dès que les sacrifices continuaient à être accomplis aux jours marqués, il leur semblait que l'ancienne religion était sauve-, les idées pouvaient changer et la foi périr, pourvu que les rites ne reçussent aucune atteinte. Il arriva donc que, sans que les pratiques fussent modifiées, les croyances se transformèrent, et que la religion domestique et municipale perdit tout empire sur les âmes.

Puis la philosophie parut, et elle renversa toutes les règles de la vieille politique. Il était impossible de toucher aux opi- nions des hommes sans toucher aussi aux principes fonda- mentaux de leur gouvernement. Pythagore, ayant la con- ception vague de l'Être suprême, dédaigna les cultes locaux et c'en fut assez pour qu'il rejetât les vieux modes de gouver- nement et essayât de fonder une société nouvelle.

Anaxagore comprit le Dieu-Intelligence qui règne sur tous les hommes et sur tous les êtres. En s'écartant des croyances anciennes, il s'éloigna aussi de l'ancienne politique. Gomme il ne croyait pas aux dieux du prytanée, il ne remplissait pas non plus tous ses devoirs de citoyen ; il fuyait les assemblées et ne voulait pas être magistrat. Sa doctrine portait atteinte à la cité; les Athéniens le frappèrent d'une sentence do mort.

Les Sophistes vinrent ensuite et ils exercèrent plus d'action que cas deux grands esprits. C'étaient des hommes ardents à

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