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kIO LIVRE V. LE RèdME MUNICIPAL DISPARAIT.

le résultat de l'enseignement des Sophistes avait été immense. ' li'autorité des institutions disparaissait avec l'autorité des dieux nationaux, et l'habitude du libre examen s'établissait dans les maisous et sur la place publique.

Socrate, tout en réprouvant l'abus que les Sophistes fai- saient du droit de douter, était pourtant de leur école. Comme eux, il repoussait l'empire de la tradition, et croyait que lea 1-ègles de la conduite étaient gravées dans la conscience hu- maine. Il ne différait d'eux qu'en ce qu'il étudiait cette con- science religieusement et avec le ferme désir d'y trouver l'o- Dligation d'être juste et de faire le bien. Il mettait la vérité au-dessus de la coutume, la justice au-dessus de la loi. Il dé- gageait la morale de la religion; avant lui, on ne concevait le devoir que comme un arrêt des anciens dieux; il montra que le principe du devoir est dans l'âme de l'homme. En tout cela, qu'il le voulût ou non, il faisait la guerre aux cultes de la cité. En vain prenait-il soin d'assister à toutes les fêtes et de prendre part aux sacrifices ; ses croyances et ses paroles dé- mentaient sa conduite. Il fondait une religion nouvelle, qui était le contraire de la religion de la cité. On l'accusa avec vérité « de ne pas adorer les dieux que l'Etat adorait ». On le fit périr pour avoir attaqué les coutumes et les croyances des ancêtres, ou, comme on disait, pour avoir corrompu la géné- ration présente. L'impopularité de Socrate et les violentes colères de ses concitoyens s'expliquent, si l'on songe aux ha- bitudes religieuses de cette société athénienne, où il y avait tant de prêtres, et où ils étaient si puissants. Mais la révolu- tion que les Sophistes avaient commencée, et que Socrate avait reprise avec plus de mesure, ne fut pas arrêtée par la mort d'un vieillard. La société grecque s'affranchit de jour en jour davantage de l'empire des vieilles croyances et des vieilk? institutions.

Après lui, les philosophes discutèrent en toute liberté les principes et les règles de l'association humaine. Platon, Cri ton, Antisthènes, Speusippe, Aristote, Théophraste et beaucoup d'autres, écrivirent des traités sur la politique. On chercha, on examina ; les grands problèmes de l'organisation de l'État,

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