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CHAP- II. LA CONQUÊTE ROMAINE. " 429

Romulus voulut conquérir tout d'abord, ce n'étaient pas quelques femmes, c'était le droit de mariage, c'est-à-dire le droit de contracter des relations régulières avec la population Sabine. Pour cela, il lui fallait établir entre elle et lui un lien religieux; il adopta donc le culte du dieu sabin Consus et en célébra la fête. La tradition ajoute que pendant cette fête il enleva les femmes; s'il avait fait ainsi, les mariages n'auraieni pas pu être célébrés suivant les rites, puisque le premier acte ut le plus nécessaire du mariage était la traditio in manum, c'est-à-dire le don de la fille par le père ; Romulus aurait manqué son but. Mais la présence des Sabins et de leurs familles à la cérémonie religieuse et leur participation au sacrifice établissaient entre les deux peuples un lien tel que le connubiicm ne pouvait plus être refusé. Il n'était pas besoin d'un enlèvement matériel; le chef des Romains avait su con- quérir le droit de mariage. Aussi l'historien Denys, qui con- sultait les textes et les hymnes anciens, assure-t-il que les Sabines furent mariées suivant les rites les plus solennels, ce que confirment Plutarqùe etCicéron*. Il est digne de remarque que le premier effort des Romains ait eu pour résultat de faire tomber les barrières que la religion municipale mettait entre eux et un peuple voisin. Il ne nous est pas parvenu de légende analogue relativement à l'Etrurie ; mais il paraît bien certain que Rome avait avec ce pays les mêmes relations qu'avec le Latium et la Sabine. Elle avait donc l'adresse de s'unir par le culte et par le sang à tout ce qui était autour d'elle. Elle tenait à avoir le connubium avec toutes les cités, et ce qui prouve qu'elle connaissait bien l'importance de ce lien, c'est qu'elle ne voulait pas que les autres cités, ses su- jettes, l'eussent entre elles*.

��1. Denys, II, 30; Plularque, Romulus, 14, 15, 19; Cicéron, de Rep., II, T. Si

Ton observe avec allenlion les récits de ces trois historiens et les expressions qu'il» emploient, on reconnaîtra tous les caractères ilu mariage antique; aussi sommes- nous porté à croire que cette légende des Sabines, qui est devenue avec le temps l'histoire d'un rapt, était à l'origine la légende de l'acquisition du connubium avec les Sabins. C'est ainsi que Ciceron semble lavoir comj^riM > SoMnvnHn eonnubia conjunxisef, De oral., l, 9. », Til^Live, IX, k3 ; XXlll, 4.

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