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448 LIVRE V. LE RÉGIME MUNFCIPÀL DISPARAIT.

Cette lente introduction des peuples dans l'État romain est le dernier acte de la longue histoire de la transformation sociale des anciens. Pour observer ce grand événement dans toutes ses phases successives, il faut le voir commencer au quatrième siècle avant notre ère.

Le Lalium avait été soumis; aes quarante petits peuples qui l'habitaient, Roma en avait exterminé la moitié, en avait dépouillé quelques-uns de leurs terres, ot avait laissé aux autres le titre d'alliés. En 3^0, ceux-ci s'aperçurent que l'al- liance était toute à leur détriment, qu'il leur fallait obéir eo tout, et qu'ils étaient condamnés à prodiguer, chaque année, leur sang et leur argent pour le seul profit de Rome. Ils se coalisèrent; leur chef Annius formula ainsi leurs réclamations dans le Sénat de Rome : a Qu'on nous donne l'égalité ; ayons mêmes lois; ne formons avec vous qu'un seul État, una civitas ; n'ayons qu'un seul nom, et qu'on nous appelle tous également Romains*. » Annius énonçait ainsi dès l'année 340 le vœu que tous les peuples de l'empire conçurent l'un après l'autre, et qui ne devait être complètement réalisé qu'aprèa cinq siècles et demi. Alors une telle pensée était bien nouvelle, bien inattendue; les Romains la déclarèrent monstrueuse et criminelle; elle était, en effet, contraire à la vieille religion el au vieux droit des cités. Le consul Manlius répondit que, s'il arrivait qu'une telle proposition fût acceptée, lui, consul, tuerait de sa main le premier Latin qui viendrait siéger dans le Sénat; puis, se tournant vers l'autel, 11 prit le dieu à témoin, disant : « Tu as entendu, ô Jupiter, les paroles impies qui sont sorties de la bouche de cet homme ! Pourras-tu tolérer, ô dieu, qu'un étranger vienne s'asseoir dans ton temple sacré, comme sénateur, comme consul?» Manlius exprimait ainsi le vieux sentiment de répulsion qui séparait le citoyen de l'étran- ger. 11 était l'organe de l'antique loi religieuse, qui prescrivait q ue l'étranger fût détesté des hommes, parce qu'il était maudit des dieux dé la cité. Il lui paraissait impossible qu'un Latin fût sénateur, parce q,\ie le lieu de réunion du Sénat et t un

\ . Tita-LiTB, VIII, S, 4.

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