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64 LIVRE II. LA FAMILLE.

pouvaient être adorés que par elle, ne protégeaient qu'elle Us étaient sa propriété.

Or, entre ces dieux et le sol, les hommes des anciens âges voyaient un rapport mystérieux. Prenons d'abord le foyer : cet autel est le symbole de la vie sédentaire; son nom seul l'indique'. Il doit être posé sur le sol; une fois posé, on ne doit plus le changer de place. Le dieu de la famille veut avoir une demeure fixe; matériellement, il est difficile de transporter la pierre sur laquelle il brille ; religieusement, cela est plus difficile encore et n'est permis à l'homme que si la dure néces- sité le presse, si un ennemi le chasse ou si la terre ne peut pas le nourrir. Quand on pose le foyer, c'est avec la pensée ot l'espérance qu'il restera toujours à cette même place. Le dieu s'installe là, non pas pour un jour, non pas même pour une vie d'homme, mais pour tout le temps que cette famille durera et qu'il restera quelqu'un pour entretenir sa flamme par le sacrifice. Ainsi le foyer prend possession du sol; cette part de terre, il la fait sienne ; elle est sa propriété. • Et la famille, qui par devoir et par religion reste toujours groupée autour de son autel, se fixe au sol comme l'autel lui- même. L'idée de domicile vient naturellement. La famille est attachée au foyer, le foyer l'est au sol ; une relation étroite s'établit donc entre le sol et la famille. Là doit être sa demeure permanente, qu'elle ne songera pas à quitter, à moins qu'une force supérieure ne l'y contraigne. Gomme le foyer, elle occupera toujours cette place. Cette place lui appartient ; elle est sa propriété, propriété non d'un homme seulement, mais d'une famille dont les diff"érents membres doivent venir l'un après l'autre naître et mourir là.

Suivons les idées des anciens. Deux foyers représentent des divinités distinctes, qui ne s'unissent et qui ne se confondent jamais; cela est si vrai que le mariage même entre deux familles n'établit pas d'alliance entre leurs dieux. Le foyer doit lire isolé, c'est-à-dire séparé nettement de tout ce qui n'est l>as lui ; il ne faut pas que l'étranger en approche au moment

1. 'Enz'.a, iTz-nii-h stare. Voy. Plutarque, De primo frigido, 21 ; Macrobe, 1, 2î; Ovide, Fait., VI, ■299. >

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