Page:Gérin-Lajoie - Dix ans au Canada, de 1840 à 1850, 1888.djvu/505

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l'opinion publique, on a démoralisé le pays; on a accoutumé les lecteurs de journaux, non pas à juger par eux-mêmes, à peser les raisonnements, mais à croire aveuglément toutes les flatteries qui étaient données à leurs patrons. Et non seulement l'opinion publique a été faussée, mais elle a été entièrement paralysée. Ce règne est fini: il y a déjà deux papiers indépendants qui ont une circulation aussi grande que la circulation des journaux ministériels. Il faudra donc, malgré l'exclusivisme qui est encore à l'ordre du jour, qu'il y ait une liberté de penser et de discussion, parce que des hommes qui voudraient s'en tenir à un système d'exclusivisme aussi absurde, ne pourraient jamais ni garder le pouvoir, ni tromper davantage le public.

Il faudra toujours en revenir à la liberté de discussion; c'est le seul moyen qui puisse donner de la durée à un gouvernement et qui puisse faire prévaloir ses idées. Eh bien! c'est dans cette période d'exclusivisme que le ministère précédent a été attaqué avec une force et un acharnement qui ne pouvait être celui des éditeurs de journaux eux-mêmes. Nous connaissons ces éditeurs, nous savons qu'ils ne sont pas de taille à faire peur. Derrière ces éditeurs, il faut chercher et on ne trouve que ceux à qui profitait la calomnie. À qui cette infamie profite-t-elle? On sait bien que ce n'est pas aux éditeurs de ces journaux, mais à ceux qui les poussent et les soudoient. Dans toutes ces calomnies qui ont été volontairement répétées par la presse ministérielle qui, lorsqu'on l'a convaincue de mensonge, n'a jamais eu le courage de se rétracter, il faut ne pas voir que ces minces éditeurs, qui ne font que mettre les matières ensemble et rapprocher des types d'imprimerie; mais il faut voir dans les auteurs de ces écrits ceux qui se disputent le pouvoir, et qui pour s'en arracher les dépouilles ne reculent devant aucune indignité.

Je ne répondrai qu'à quelques-unes de ces calomnies. L'honorable M. Viger est une homme que je n'ai pas approuvé, on le sait. Ceux qui l'ont attaqué savaient que, quand j'étais à Paris, j'avais blâmé sa conduite, que j'avais dit qu'il était dans une erreur qui