Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je sais mourir, dit-il, mais je ne sais point me déshonorer.

Et Michel ne signa pas.

Pendant plusieurs années il occupa son poste de chancelier sans qu’il fût possible à personne de le corrompre, ni par des présents ni par des menaces.

Enfin, cette franchise courageuse et cette probité déplurent. De plus, il voulait empêcher, au sein de la France, ces dissensions entre Français, ces guerres civiles et religieuses qui la désolaient alors. La reine Catherine de Médicis lui enleva sa charge, et Michel se retira sans regret à sa campagne.

Peu de temps après, on vint lui apprendre qu’un grand massacre se faisait dans le royaume par ordre du roi Charles IX, le massacre de la Saint-Barthélemy. On lui dit que le nom de Michel de l’Hôpital était sur la liste des victimes et que les assassins allaient arriver. Michel ne se troubla point et commanda qu’au lieu de fermer les portes on les ouvrît toutes grandes.

A ce moment, un messager de la cour, envoyé en toute hâte, vint lui annoncer que le roi lui faisait grâce. Michel répondit fièrement :

— J’ignorais que j’eusse mérité ni la mort ni le pardon.

Quelle que fût l’énergie de Michel de l’Hôpital, son grand cœur ne put supporter la vue des malheurs dont la patrie était alors accablée. Sa vie fut abrégée par la tristesse. Il mourut six mois après la Saint-Barthélemy, dans une pauvreté voisine de la misère.

Enfants, vous le voyez, il n’y a pas seulement de belles pages dans l’histoire de notre France ; hélas ! il y en a qui attristent le cœur, comme les massacres commandés par Charles IX, et qu’on voudrait pouvoir effacer à jamais. Enfants, c’est le juste châtiment de ceux qui ont fait le mal, que leurs actions soient haïes dans le passé comme elles l’ont été dans le présent, et que leur souvenir indigne les cœurs honnêtes.

Quand Charles IX eut inondé la France sous des flots de sang, il ne put étouffer la voix de sa conscience. À son lit de mort, il fut poursuivi par d’horribles visions : il croyait apercevoir ses victimes devant lui. L’étrange maladie dont il mourut redoublait ses terreurs ; il avait des sueurs de sang et son agonie fut affreuse.

Enfants, comparez en votre cœur le roi Charles IX et Michel de l’Hôpital. L’un mourut pauvre après avoir vécu esclave de la justice et de l’honneur, n’ayant qu’une crainte au monde, la crainte de faillir à son devoir : son nom est resté pour tous comme le souvenir de la loyauté vivante, chacun de nous voudrait lui ressembler. L’autre vécut entouré des splendeurs royales ; mais, au milieu des plaisirs et des fêtes, ce cœur misérable ne put trouver le repos. Objet de mépris pour lui-même, il l’était aussi pour ceux qui l’approchaient, et il le sera toujours pour ceux qui liront son histoire.

Enfants, n’oubliez jamais ce que Michel de l’Hôpital aimait à répéter : — Hors du devoir, il n’y a ni honneur ni bonheur durable.


II.   C’est encore l’Auvergne qui a vu naître, l’an 1768, un homme de guerre également célèbre par son courage et par son honnêteté : DESAIX.