Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/174

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ce dernier était absent et ne devait rentrer que dans la soirée. André l’attendit avec anxiété, assis auprès du lit de son frère, dont il aurait tant voulu apaiser la souffrance. Les yeux fixés avec tendresse sur le visage accablé de Julien, il se sentait pris d’une tristesse indicible ; il eût voulu souffrir mille fois à la place de l’enfant ; il demandait à Dieu de lui donner à lui toutes les peines et de guérir son cher Julien.

Le petit garçon avait fini par ne plus se plaindre : il semblait plongé dans un rêve plein d’angoisse ; il avait le délire et murmurait tout bas des mots sans suite.

— Que demandes-tu, mon Julien ? dit André en se penchant vers l’enfant.

Julien le regarda tristement comme s’il ne reconnaissait plus son frère, et d’une voix lente, accablée :

— Je voudrais retourner à ma maison, dit-il.

— Pauvre petit ! pensa André, le chagrin qu’il avait hier ne l’a pas quitté. Ce long voyage semble maintenant au-dessus de ses forces. O mon Dieu, comment donc faire pour lui redonner du courage ?

— Mon Julien, répondit André doucement, nous aurons bientôt une maison à nous, chez notre oncle à Marseille.

— A Marseille !… fit l’enfant avec l’air effrayé que donne le délire. C’est trop loin, Marseille… Puis il laissa tomber sa petite tête avec accablement en répétant plus fort : — C’est trop loin, c’est trop loin.

— Qu’est-ce qui est trop loin, mon ami ? dit la voix tranquille du médecin qui venait d’entrer.

Julien releva la tête, mais il ne semblait plus voir personne. Puis, d’un air triste, lentement et traînant sur les mots : — Tout le monde a sa maison, reprit-il ; moi aussi, j’avais une maison, et je n’en ai plus. Oh ! que je voudrais bien y retourner !

— Où souffres-tu, mon enfant ? dit le médecin en prenant la main de Julien dans la sienne.

Julien ne répondit pas, mais il se mit à pleurer et à se plaindre par mots entrecoupés.

André alors expliqua leur accident de voiture, puis l’entorse au pied et au poignet.

— L’entorse ne sera pas grave, dit le médecin après examen ; mais cet enfant a une forte fièvre et un délire qui m’inquiète. Qu’est-ce que cette maison qu’il demande ?