Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/185

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jusque-là : mon jeune frère ne peut plus marcher, il est au bout de ses forces. D’autre part, nous n’avons plus assez d’argent pour prendre le chemin de fer jusqu’à Bordeaux.

— Allons, allons, ne vous désolez pas à l’avance, dit le marin. Les pauvres gens sont au monde pour s’entr’aider. Nous ne sommes pas riches non plus, nous autres ; mais à cause de cela on sait compatir au malheur d’autrui.

— Eh ! oui, dit la femme du marin, nous nous aiderons tous, et le bon Dieu fera le reste. Voyons, mettons-nous à table. Mon mari est un homme de bon conseil : en mangeant, il va débrouiller votre affaire, n’est-ce pas, Jérôme ?

En même temps l’excellente femme avait attiré la table dans le milieu de la chambre. Bon gré mal gré, elle plaça André à sa droite et Julien à sa gauche. Elle mit ses deux fils aînés, deux beaux jumeaux de quatre ans, de chaque côté de leur père : puis elle plaça sur ses genoux sa petite fille la dernière née, et le sourire sur les lèvres, elle servit à chacun une bonne assiette de soupe au poisson qui est le mets favori de la Provence.



LXXV. — L’idée du patron Jérôme. — La mer. — Les ports de Marseille. — Ce qu’André et Julien demandent à Dieu.


La prière nous donne le courage et l’espoir.


Pendant le dîner, André raconta leur voyage de point en point, puis il chercha son livret d’ouvrier et ses certificats pour les montrer à Jérôme.

Jérôme avait écouté le récit d’André avec une grande attention ; il feuilleta de même son livret avec soin ; ensuite il réfléchit assez longtemps sans rien dire. Sa femme l’observait avec confiance. De temps à autre elle clignait de l’œil en regardant André et Julien comme pour leur dire : — Soyez tranquilles, enfants, Jérôme va tout arranger.

Jérôme, en effet, sur la fin du dîner, sortit de ses réflexions silencieuses. — Je crois, dit-il, qu’il y aurait un moyen de vous tirer d’embarras, mes enfants.

— Quand je vous le disais ! s’écria la femme du marin avec admiration. — En même temps, le petit Julien faisait un saut de plaisir sur sa chaise, et André poussait un soupir de soulagement.

Jérôme reprit : — Avez-vous peur de la mer ?