Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/233

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(car le navire avait regagné la haute mer), Julien s’approcha du père Guillaume. C’était l’heure du coucher du soleil, et au loin, dans le grand horizon de la mer, on voyait le soleil s’enfoncer lentement dans les flots comme un globe de feu. Les gerbes de flammes dessinaient un immense sillon sur les vagues, et toute la pourpre des cieux à cet endroit se réfléchissait dans les eaux.

Julien s’était assis, croisant les bras ; il regardait le coucher du soleil, qui lui semblait bien beau, et il attendait que son vieil ami fût disposé à lui parler des choses de la mer.

— Petit Julien, dit le matelot, qui devinait la pensée de l’enfant, tu regardes ces flots tout embrasés par le soleil couchant ; eh bien, j’ai vu quelque chose de plus beau encore.

— Qu’était-ce donc ? fit l’enfant avec curiosité.

— C’était ce qu’on appelle la mer phosphorescente.

— C’est donc bien beau, cela, père Guillaume ?

— Je crois bien ! Ce n’est plus comme ce soir un point de l’Océan qui s’allume ; c’est l’Océan tout entier qui ruisselle de feu et brille la nuit comme une étoffe d’argent. Quand avec cela le vent souffle, les lames qui s’élèvent ressemblent à des torrents de lumière.

— Est-ce que nous allons peut-être voir cela ?

— Non, mon enfant, c’est très rare dans nos pays. C’est entre les deux tropiques que cela se voit pendant les nuits.

— Qu’est-ce qui fait cela ? savez-vous, père Guillaume ?

— Les savants ont bien cherché, va, Julien. Enfin, il paraît que ce sont des myriades de petits animaux qui sont eux-mêmes lumineux, comme l’est dans nos pays le ver luisant. Les flots en contiennent en certains temps une si grande quantité que la mer en paraît comme embrasée.

UN DES ANIMALCULES DE LA MER qui produisent la phosphorescence des eaux. Cet animal est invisible à l’œil nu ; il est représenté ici tel qu’il apparaît à travers le microscope.

— Oh ! bien, je comprends, père Guillaume : s’il y avait assez de vers luisants sur un arbre pour le couvrir, il paraîtrait le soir comme un grand lustre allumé ; je pense que c’est comme cela pour la mer. Mais, tout de même, faut-il qu’il y ait