Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/306

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et va payer ceux qui voudraient te forcer à vendre ton bien pour l’acheter le quart de ce qu’il vaut.

Guillaume était si ému qu’il resta un moment sans répondre.

Puis, gravement : — J’accepte, Frantz, dit-il, mais à une condition : c’est que nous ne nous séparerons plus. Ma terre, une fois délivrée de cette charge, a de la valeur : elle est fertile, nous nous associerons pour la cultiver, nous partagerons les profits ; nous ne ferons plus qu’une seule famille.

Et les deux amis s’embrassèrent étroitement, tandis que la femme du vieux pilote, de son côté, remerciait Frantz avec effusion. À ce moment, la petite Marie s’approcha de son père ; elle le tira doucement par sa manche, et à demi-voix :

— Alors, dit-elle en souriant, Julien restera avec nous aussi ?

— Je le crois bien, répondit le vieux pilote en prenant le petit garçon sur ses genoux : il ira en même temps que vous deux à l’école, et si vous n’apprenez pas vite et bien, il vous fera honte, car il est studieux, lui, et il connaît maintenant son pays mieux que la plupart des autres enfants. Et toi, André, tu nous aideras à cultiver cette terre jusqu’à ce que nous ayons trouvé à t’établir comme serrurier au village voisin. Ce ne sera pas trop de notre travail à tous les trois pour ensemencer ces champs restés en friche depuis la guerre et pour reconstruire cette maison en ruines.

— Oui, Guillaume, dit Frantz avec émotion, tu as raison ; nous travaillerons tous, chacun de notre côté. Si la guerre a rempli le pays de ruines, c’est à nous tous, enfants de la France, d’effacer ce deuil par notre travail, et de féconder cette vieille terre française qui n’est jamais ingrate à la main qui la soigne. Dans quelques années, nous aurons couvert les champs qui nous entourent de riches moissons ; nous aurons relevé pièce par pièce le toit de la ferme, et si vous voulez, mes amis, nous y placerons joyeusement un petit drapeau aux couleurs françaises.

Chacun applaudit à la proposition de l’oncle Frantz, et Julien plus fort que tout le monde : — Oui, oui, c’est cela, mon oncle, s’écria-t-il. Quand je pense que nous avons eu tant de peine pour être Français et que nous le sommes maintenant !