Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/77

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Julien, la peau des animaux, comme celle de l’homme, est percée d’une multitude de petits trous appelés pores, par lesquels s’échappe la sueur, et la sueur sert à purifier le sang. Quand la poussière et la malpropreté bouchent ces milliers de petits trous, le sang se vicie et la santé s’altère chez les animaux comme chez l’homme. Il y a un vieux proverbe qui dit : « Le jeu de l’étrille équivaut à un picotin d’avoine ; la main engraisse autant que la nourriture. »

La toilette de Pierrot finie, on le conduisit à l’abreuvoir.

— André, dit M. Gertal, tu le ramèneras au pas et non en le faisant trotter comme font tant de garçons étourdis. Un cheval qui revient de l’abreuvoir doit toujours être ramené tranquillement, pour bien digérer l’eau qu’il a bue.

Lorsque Pierrot revint de l’abreuvoir, on lui donna sa ration d’avoine.

— Tiens ! dit Julien, on a fait boire Pierrot avant de lui donner à manger.

— Oui certes, on doit faire boire le cheval avant de lui donner l’avoine ; retiens cela, petit, car c’est une chose importante que bien des gens ignorent. Si au contraire le cheval boit après avoir mangé l’avoine, l’eau entraîne les grains hors de l’estomac avant qu’ils soient digérés complètement, et l’animal est mal nourri. Remarque-le aussi, je ne vais atteler Pierrot qu’une heure après son dîner, parce que je le ferai trotter et qu’on ne doit pas faire trotter un cheval qui vient de manger, si on veut qu’il digère bien sa nourriture.

— Est-ce que tout le monde prend ces précautions, monsieur Gertal ?

— Non, et il y en a bien d’autres encore que l’on néglige. Les uns remettent sur le cheval le harnais mouillé, qui le refroidit ; d’autres négligent de jeter sur son dos une couverture de laine quand ils sont forcés de le faire arrêter et qu’il est en sueur ; d’autres le mènent boire quand il est en transpiration, ou lui donnent de l’eau trop fraîche. Tous ceux qui font ainsi agissent contre leurs intérêts. Un cheval mal soigné ne tarde pas à perdre sa vigueur et à tomber malade : c’est une grosse perte, surtout pour les petits marchands comme moi. En toutes choses, le chemin de la ruine, mes enfants, c’est la négligence.