Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vrais une souscription pour vous ? À votre place je me ferais inscrire au bureau de bienfaisance.

La patience échappa à Noël, en dépit de sa résolution de rester calme.

— Vous croyez rire ? s’écria-t-il ; eh bien ! apprenez-le, Juliette, je suis ruiné et j’ai épuisé mes dernières ressources. J’en suis aux expédients !…

L’œil de la jeune femme brilla ; elle regarda tendrement son amant :

— Oh ! si c’était vrai, mon gros chat ! dit-elle ; si je pouvais te croire !

L’avocat reçut ce regard en plein dans le cœur. Il fut navré.

— Elle me croit, pensa-t-il, et elle est ravie. Elle me déteste.

Il se trompait. L’idée qu’un homme l’avait assez aimée pour se ruiner froidement avec elle, sans jamais laisser échapper un reproche, transportait cette fille. Elle se sentait près d’aimer, déchu et sans le sou, celui qu’elle détestait riche et fier. Mais l’expression de ses yeux changea bien vite.

— Bête que je suis ! s’écria-t-elle, j’allais pourtant donner là-dedans et m’attendrir ! Avec cela que vous êtes bien un monsieur à lâcher votre monnaie à doigts écartés. À d’autres, mon cher ! Tous les hommes aujourd’hui comptent comme des prêteurs sur gages. Il n’y a plus à se ruiner que de rares imbéciles, quelques moutards vaniteux, et de temps à