Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/153

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lu qu’il me les racontât toutes en deux mots. C’est cependant naturel, cela ; quand on poursuit un cerf, on ne s’arrête pas à tirer un merle. C’est égal, je n’ai pas su mener cet interrogatoire. D’un autre côté, en insistant, je pouvais éveiller la défiance de Noël, le mettre à même de deviner que je travaille pour la rue de Jérusalem. Certes, je n’en rougis pas, j’en tire même vanité, cependant j’aime autant qu’on ne s’en doute pas. Les gens sont si bêtes qu’ils ne peuvent pas sentir la police qui les protège et qui les garde. Maintenant, du calme et de la tenue, nous voici arrivé.

M. Daburon venait de se mettre au lit, mais il avait laissé des ordres à son domestique. Le père Tabaret n’eut qu’à se nommer pour être aussitôt introduit dans la chambre à coucher du magistrat.

À la vue de son agent volontaire, le juge se dressa vivement.

— Il y a quelque chose d’extraordinaire, dit-il ; qu’avez-vous découvert, tenez-vous un indice ?

— Mieux que cela, répondit le bonhomme souriant d’aise.

— Dites vite.

— Je tiens le coupable !

Le père Tabaret dut être content, il produisait son effet, un grand effet ; le juge avait bondi dans son lit.

— Déjà, fit-il, est-ce possible ?