Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/175

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servirait une rente suffisante pour combler la différence…

— Ah ! j’étouffe, interrompit la marquise. Comment ! vous connaissez un homme comme ça et vous ne m’en avez jamais parlé ! vous devriez déjà me l’avoir présenté !

— Je n’osais, madame, je craignais…

— Vite ! quel est ce gendre admirable, ce merle blanc ? où niche-t-il ?

Le juge eut le cœur serré d’une angoisse terrible. Il allait jouer son bonheur sur un mot.

Enfin, comme s’il eût senti qu’il disait une énormité, il balbutia :

— C’est moi, madame…

Sa voix, son regard, son geste suppliaient. Il était épouvanté de son audace, étourdi d’avoir su vaincre sa timidité. Il était sur le point de tomber aux pieds de la marquise.

Elle riait, elle, la vieille dame, elle riait aux larmes, et tout en haussant les épaules, elle répétait :

— Ce cher Daburon, il est trop bouffon, en vérité, il me fera mourir de rire ! Est-il plaisant, ce pauvre Daburon !

Mais tout à coup, au plus fort de son accès d’hilarité, elle s’arrêta et prit son grand air de dignité.

— Est-ce sérieux, ce que vous venez de me dire ? demanda-t-elle.

— J’ai dit la vérité, murmura le magistrat.