Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/182

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ractère de Claire. Cette étude l’eût peut-être mis sur ses gardes. Mais eût-il songé à l’observer, il ne l’eût pu.

Cependant, il remarqua les singulières alternatives de son humeur. Elle semblait insoucieuse et gaie comme un enfant, à certains jours, puis, pendant des semaines, elle restait sombre et abattue. En la voyant triste, le lendemain d’un bal où sa grand’mère avait tenu à la conduire, il osa lui demander la raison de sa tristesse.

— Oh ! cela, répondit-elle en poussant un profond soupir, c’est mon secret. Un secret que ma grand’mère elle-même ne connaît pas.

M. Daburon la regardait. Il crut voir une larme entre ses longs cils.

— Un jour peut-être, reprit-elle, je me confierai à vous… Il le faudra peut-être.

Le juge était aveugle et sourd.

— Moi aussi, répondit-il, j’ai un secret ; moi aussi je veux m’en remettre à votre cœur.

En se retirant après minuit, il se disait : — « Demain je lui avouerai tout. » Il y avait un peu plus de cinquante-cinq jours qu’il se répétait intrépidement : « Demain. »

C’était un soir du mois d’août ; la chaleur, toute la journée, avait été accablante ; vers la nuit, la brise s’était levée, les feuilles bruissaient ; il y avait dans l’air des frémissements d’orage.