Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/336

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pier qui servent à confectionner des chemises pour les dossiers.

La journée s’avançait et M. Daburon n’avait plus que bien juste le temps d’interroger le « prévenu » avant la nuit. Quelle hésitation pouvait le retenir encore ? Il avait entre les mains plus de preuves qu’il n’en faut pour envoyer dix hommes en cour d’assises et de là à la place de la Roquette. Il allait lutter avec des armes si écrasantes de supériorité qu’à moins de folie Albert ne pouvait songer à se défendre. Et pourtant, à cette heure pour lui si solennelle, il se sentait défaillir. Sa volonté faiblissait-elle ? Sa résolution allait-elle l’abandonner ?

Fort à propos il se souvint que depuis la veille il n’avait rien pris, et il envoya chercher en toute hâte une bouteille de vin et des biscuits. Ce n’est point de forces qu’avait besoin le juge d’instruction, mais de courage. Tout en vidant son verre, ses pensées, dans son cerveau, s’arrangèrent en cette phrase étrange : « Je vais donc comparaître devant le vicomte de Commarin. »

À tout autre moment, il aurait ri de cette saillie de son esprit ; en cet instant, il y voulut voir un avis de la Providence.

— Soit, se dit-il, ce sera mon châtiment.

Et, sans se laisser le temps de la réflexion, il donna les ordres nécessaires pour qu’on amenât le vicomte Albert.