Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/350

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ment, sans le moindre embarras, d’un ton assuré. Sa voix, d’un timbre sympathique, ne tremblait pas ; nulle émotion ne la voilait ; elle gardait son éclat pur et vibrant.

M. Daburon crut prudent de suspendre l’interrogatoire. Avec un adversaire de cette force, évidemment il faisait fausse route. Procéder par détail était folie, on n’arriverait ni à l’intimider ni à le faire se couper. Il fallait en venir aux grands coups.

— Monsieur, dit brusquement le juge, donnez-moi bien exactement, je vous prie, l’emploi de votre temps pendant la soirée de mardi dernier, de six heures à minuit.

Pour la première fois, Albert parut se déconcerter. Son regard, qui jusque-là allait droit au juge, vacilla.

— Pendant la soirée de mardi…, balbutia-t-il, répétant la phrase comme pour gagner du temps.

— Je le tiens ! pensa M. Daburon, qui eut un tressaillement de joie. Et tout haut il insista :

— Oui, de six heures à minuit.

— Je vous avoue, monsieur, répondit Albert, qu’il m’est difficile de vous satisfaire, je ne suis pas bien sûr de ma mémoire.

— Oh ! ne dites pas cela, interrompit le juge. Si je vous demandais ce que vous faisiez il y a trois mois, tel soir, à telle heure, je concevrais votre hésitation. Mais il s’agit de mardi, et nous sommes au-